theredled a écrit :Certes ils en ont fait de bonnes choses, et on peut pas dire qu'ils aient construit leur gloire uniquement sur ces plagiats/reprises-non-déclarées non plus, mais on peut pas tout mettre sur de dos de l'"influence artistique naturelle"...
Ah, mais je ne dis pas le contraire. J'ai (vraiment) dans mon iPod l'intégrale des morceaux pompés par Page. Du Blind Willie Johnson, du Jake Holmes, du Robert Johnson, du Willie Dixon, du Ritchie Valens, du Spirit, du Bert Jansch, du Memphis Minnie, du Howlin' Wolf, du Leadbelly, du Josh White. J'ai baptisé cette playlist "Hidden Origins". Page a piqué dans absolument toutes les gamelles. Je suis donc 100% conscient de la terrible tendance de Jimmy Zoso à faire passer n'importe quelle mélodie pour du Jimmy Zoso.
Je dis simplement que Page n'est pas seulement un rocker, c'est aussi un bluesman et un folkeux. Et, dans le folk comme dans le blues, la question de la paternité est beaucoup moins présente que dans le rock. Chez les folkeux, il est complètement admis de récupérer une mélodie, d'en changer les paroles, et de signer le résultat (Dylan parle très bien de ça, dans le premier tome de ses mémoires). Quant au blues, si la récup n'était pas possible, il n'y aurait jamais eu Muddy Waters ni Keith Richards, ni plein d'autres. L'histoire du blues est l'interminable répétition d'une grille presque inchangeable.
Page ne se pose pas de questions. Il pique, il recycle, il s'approprie. Ce n'est pas très poli, ni très moral, mais c'est Page, et Page est un génie à la Picasso : un mec totalement décomplexé, sans aucun tabou, pour qui le Bien et le Mal n'ont qu'à aller se faire philosopher chez les Grecs. Picasso peignait par-dessus des toiles de peintres mineurs, ce qui lui évitait d'avoir à chercher un sujet : il inventait Photoshop avant Photoshop.
Et puis Page a écrit un nombre considérable de chefs-d'oeuvre qui ne sont volés à personne. Et ça, on ne peut pas le lui retirer.
Dernière chose : l'écart entre ce dont Page s'inspire et ce qu'il en fait, cet écart est généralement gigantesque. Écoute le (sublime) Nobody's Fault But Mine de Blind Willie Johnson et celui (sublime) de Page sur l'album Presence, et tu verras que Page a complètement révolutionné le morceau, il l'a atomisé et lui a fait atteindre des sommets dont Johnson n'avait même pas idée.
On dit que Stairway To Heaven est calqué sur Spirit, de Taurus. Eh ben, mon colon, entre les deux, y'a carrément pas photo. Étudie attentivement les deux intros, et compare objectivement. C'est un bon exemple du fait que le petit jeu "Trouve sur quoi est pompé ce riff de Page" n'est pas beaucoup plus honnête que Jimmy Page lui-même.
Page est obsédé par le pouvoir, l'argent, la gloire, les drogues, et les filles de moins de 16 ans, c'est un personnage arrogant et malsain, égoïste et dangereux. C'est ce que je lui reproche. Sur le reste, il trône au panthéon des guitaristes-compositeurs-producteurs. C'est un genre de monstruosité sur le plan humain, oui, mais aussi un monstre de talent, de créativité, d'énergie et de perfectionnisme. Les grands artistes ne sont pas toujours recommandables - surtout dans le genre de musique que nous écoutons. Comme dit Paul McCartney : "Les gens n'imaginent pas à quel point les Beatles se sont comportés comme des salauds". Les gentils Beatles ? Des rock stars : quatre sales gosses en roue libre, infects chaque fois qu'ils en avaient l'occasion.
Il y a des types corrects dans le rock. Mais ils ont rares. Pour un Springsteen qui met un soin infini à rester intègre, combien d'Axl Rose à vomir ?
Tu veux que je te dise ? Mieux vaut un Page qui copie qu'un Van Halen qui ne copie pas. (Et en plus, Van Halen, sans Bach, il n'existe même pas.)